- CODIFICATION
- CODIFICATIONLes termes «code», «codifier», «codification» sont des pavillons qui couvrent des marchandises diverses et parfois frelatées. La race des codes est considérée comme noble, plus que celle des lois ou des décrets, de sorte que l’on a vu publier en France, par exemple, un «code des restaurants». Si l’on exclut les abus de langage, on peut définir un code comme un ensemble de textes juridiques classés selon un ordre chronologique ou systématique et concernant soit la totalité du droit d’un pays ou d’une société, soit une matière particulière. À l’intérieur de cette définition générale, des distinctions doivent être faites.Certains codes ne sont que des compilations, qui peuvent être d’origine publique ou privée. Publique : le gouvernement décide de regrouper tous les textes antérieurs et d’y ajouter au fur et à mesure les textes nouveaux, sans les modifier ni les ordonner; c’est seulement un moyen commode de les retrouver et de savoir lesquels sont en vigueur. Privée : des juristes ou des éditeurs prennent l’initiative de tels regroupements, généralement par matières, pour la commodité des praticiens, sans que leur œuvre ait une valeur juridique officielle.D’autres codes, qui ne reçoivent d’ailleurs pas toujours cette appellation, sont en réalité des actes de «coordination» ou de «consolidation», consistant, à l’occasion d’une loi nouvelle, à reprendre les lois antérieures que celle-ci modifie, afin d’en faciliter la lecture et la compréhension.Les deux catégories qui suivent sont les plus importantes. Il s’agit, d’une part, des grandes œuvres réformatrices qui rénovent l’ensemble d’une matière et qui mêlent dans un texte unique la reprise de règles traditionnelles et la formulation de règles nouvelles. Le Code civil français de 1804 en est sans doute l’exemple le plus connu. Il s’agit, d’autre part, de la mise en ordre du droit existant, avec une répartition rationnelle des matières entre les codes et une organisation méthodique de chacun d’entre eux. Cette entreprise est plus modeste que les précédentes, parce qu’elle ne comporte pas d’innovations; mais elle est, en un sens, plus ambitieuse, car elle vise à ordonner ainsi la plus grande partie du droit, sinon sa totalité.Quelle que soit leur catégorie, les codes ne se définissent pas par leur niveau dans la hiérarchie des normes; ils n’ont pas d’autre valeur que celle des textes qu’ils reprennent ou qu’ils édictent – lois, décrets, arrêtés, coutumes. Quant à la codification, elle n’est rien d’autre qu’une opération ou une politique de fabrication de codes, par regroupement de normes anciennes ou création de normes nouvelles.Les origines de la codificationLa codification est une vieille ambition de l’humanité. Les plus anciens codes aujourd’hui connus apparaissent en Mésopotamie deux mille ans avant notre ère. Après le Code d’Our-Nammou, rédigé en réalité, semble-t-il, par son fils Shoulgi (2094-2047 av. J.-C.), et le Code d’Eschouna (vers 1800 av. J.-C.), du nom d’une ville, le plus complet et le plus intéressant est le célèbre Code d’Hammourabi (première moitié du XVIIIe s. av. J.-C.). Ce n’est pas seulement un recueil de jurisprudence, comme on l’a parfois écrit; c’est une œuvre législative, ordonnée et novatrice, de 282 articles encadrés par un prologue et un épilogue, qui, tout en groupant certaines règles posées par les tribunaux, repose sur une philosophie politique et tend à substituer un droit étatique à des usages particuliers. Ce code a été recopié par des scribes pendant quinze siècles environ, ce qui montre l’importance qu’il a eue dès l’Antiquité.La Bible offre dans la première partie de l’Ancien Testament, le Pentateuque, deux véritables codes: d’abord, le Code de l’alliance, puis le Code deutéronomique. L’un et l’autre contiennent les dix commandements et un grand nombre de règles de droit religieux, constitutionnel, civil, pénal, social, commercial et fiscal. Le terme Deutéronome est lui-même significatif: il veut dire tout simplement «seconde législation», au sens non pas de loi nouvelle, mais de «répétition de la loi», c’est-à-dire, en langage moderne, de codification de règles existantes.Mais les premiers grands codificateurs ont été les Romains. Il y eut un Code Théodosien, au Ve siècle après J.-C. Il y eut surtout le Code Justinien, qui connut deux versions, en 529 et 534. Ce monument impressionnant, qui correspond à plusieurs milliers de pages d’un livre actuel, était composé de trois parties: les Institutes, qui groupaient les règles de droit; le Digeste ou Pandectes, qui contenait, dans le même ordre, les opinions des principaux jurisconsultes, ce que nous appellerions aujourd’hui la doctrine; les Novellae, où figuraient les lois nouvelles. Il s’agissait d’une codification globale, qui portait sur toutes les branches du droit, et qui a été promulguée avec force de loi. Cette codification romaine a inspiré directement les codes de l’Empire d’Orient, qui sont restés en vigueur jusqu’en 1453, date de la prise de Constantinople, ainsi que les codes de droit canonique. Ils ont également fourni le cadre de la codification française actuelle, qui a conservé leur division en livres, titres et chapitres.À la même époque, au VIIe siècle, a été réalisé le premier code chinois connu. C’était plutôt une compilation, qui comprenait essentiellement le droit pénal et le droit administratif; elle comportait six titres, correspondant aux six offices de l’administration impériale; sa dernière édition semble dater de 1646.La codification en FranceLa France, dont le droit procède du droit romain, est une terre d’élection de la codification. L’établissement de codes y est conforme à un certain rationalisme, qui s’exprime aussi bien dans la pensée cartésienne que dans les jardins à la française.Les codes de l’Ancien RégimeDès 1453, l’ordonnance de Montils-lès-Tour décrétait la rédaction des coutumes des diverses régions; c’était la mise en forme de règles d’usage, en principe sans modification. Plusieurs centaines de coutumiers furent ainsi élaborés et publiés. Au siècle suivant, selon des demandes formulées lors des états généraux d’Orléans en 1560 et de Blois en 1576, Henri III décidait, par une ordonnance de Blois de 1579, qu’un recueil complet des édits et ordonnances – ce qui correspondrait aujourd’hui aux lois et décrets – serait établi, approuvé par lui et publié «en tant que projet». Ce travail fut confié à Barnabé Brisson, président au Parlement de Paris et conseiller d’État, qui l’acheva en 1587. Plusieurs milliers de dispositions furent ainsi regroupées, réparties de façon ordonnée en livres, titres et articles, et publiées sous le nom de Code du roi Henri III . C’était là une première tentative extrêmement intéressante. Mais ce code ne reçut pas de sanction juridique; en outre, après quelques rééditions et mises à jour à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, il fut abandonné.Les coutumiers et le Code de Henri III sont des compilations organisées, faites pour rendre le droit plus accessible, non pour le modifier. Au contraire, les grandes ordonnances de Colbert sont des textes novateurs, qui, même si elles n’ont pas reçu l’appellation de codes, en ont les caractéristiques (présentation organisée de l’ensemble d’une matière, division en livres et titres) et préfigurent les codes napoléoniens, parfois dans les mêmes domaines: procédures civile (1667) et pénale (1670), eaux et forêts (1669), commerce (1673), marine (1681). Il s’y ajoute le tristement célèbre «Code noir» de 1685, qui était un code de l’esclavage aux Antilles.La codification, sous ses diverses formes, ne s’est plus guère manifestée jusqu’à sa renaissance éclatante sous la Révolution et l’Empire.La grande œuvre codificatrice de la Révolution et de l’EmpireLe mérite des grands codes français du début du XIXe siècle est communément attribué au régime impérial et à Napoléon lui-même; mais ces codes sont aussi, dans une large mesure, le résultat de travaux entamés dès le début de la Révolution.La loi du 16 août 1790 sur l’organisation judiciaire dispose que «les lois civiles seront revues et réformées par les législateurs et [qu’] il sera fait un code général de lois simples, claires et appropriées à la Constitution» (art. 19). De même, la Constitution du 3 septembre 1791 prévoit qu’«il sera fait un code de lois civiles communes à tout le royaume». Ainsi sont affirmés quelques-uns des principes de la codification, qui sont toujours valables aujourd’hui: simplification, clarté, conformité à la Constitution et unité nationale. Ces principes étaient, à l’époque, particulièrement importants pour sortir d’un fatras de textes et de coutumes qui s’étaient accumulés et qui différaient d’une région à l’autre. L’Assemblée constituante adopta ainsi plusieurs textes dénommés codes, mais dont certains n’étaient que des lois importantes: Code pénal, Code rural, Code forestier, Code monétaire; elle en avait projeté plusieurs autres, dont un Code civil et un Code de procédure civile.Par trois décrets de l’an II (1794), une Commission du recensement et de la rédaction complète des lois fut chargée de «rédiger un code succinct et complet des lois rendues jusqu’à ce jour en supprimant celles qui sont devenues confuses». Il s’agissait donc à la fois de regrouper et de réformer la législation existante. Deux hommes très différents l’animèrent, dont les destinées ont valeur de symbole: Couthon, qui devait être guillotiné peu après, le lendemain du 9 thermidor, et Cambacérès, futur archichancelier d’Empire. Le premier présenta le 30 mai 1794, à la Convention, qui l’adopta, un «plan de travail» d’élaboration d’un «code complet des lois»; le second prononça devant elle, le 15 juillet 1794, un rapport sur le plan de ce code, qui devait comprendre «vingt-huit codes particuliers»; la Convention, cette fois, ajourna l’examen du décret, mais ordonna la publication du rapport et du plan. L’un et l’autre énuméraient les bienfaits de la codification.Des matériaux pour une quinzaine de codes, en particulier pour le droit civil, furent élaborés par plusieurs commissions dans les années suivantes; quelques codes furent adoptés, comme le Code criminel et le Code hypothécaire (1795).Ces travaux et ces projets aboutirent enfin aux cinq grands codes napoléoniens: le Code civil (1804), également dénommé Code Napoléon, le Code de procédure civile (1806), le Code de commerce (1807), le Code d’instruction criminelle (1808), le Code pénal (1810). Ces codes comprenaient au total plus de cinq mille articles, répartis, comme sous Justinien, en livres, titres et chapitres.Le premier, magistralement éclairé par le discours prononcé par Portalis lors de sa présentation au Conseil d’État, et à l’élaboration duquel Napoléon a participé personnellement, est certainement l’un des textes les plus importants et les plus connus de l’histoire du droit. Il a marqué un tournant dans l’évolution de la France, en combinant les règles de droit écrit et les traditions des différentes régions, en assurant leur cohésion dans une «législation uniforme», en les adaptant aux exigences de la société bourgeoise alors en formation, et, d’une façon générale, en les modernisant. Le discours introductif de Portalis insiste sur ce mélange de règles anciennes et nouvelles, de coutumes et de droit écrit, d’Ancien Régime et de Révolution, qui fait de ce code un modèle de présentation ordonnée et d’innovation raisonnable.La codification disperséeDe la fin du premier Empire au milieu du XXe siècle, la codification n’a donné lieu qu’à des travaux épars, menés sans programme, selon des méthodes variées et souvent contestées.Le Code rural avait été repris sous l’Empire; deux projets furent successivement mis à l’enquête, en 1808 et 1814; le chantier était abandonné en 1818, relancé sous le second Empire, et le code finalement constitué de plusieurs lois votées à la fin du siècle. Entre-temps, un Code forestier, dont l’origine était également lointaine, avait été adopté en 1827. Si, en 1837, un éditeur privé publiait un ouvrage intitulé Les Dix-Huit Codes des Français , la plupart de ces textes n’étaient en réalité que des lois spéciales et courtes, baptisées pompeusement codes par un abus de langage.Au début du XXe siècle, toutefois, un code important était entrepris, dont l’objet correspondait à l’évolution sociale: le Code du travail. Il fut élaboré par une commission de 1901 à 1905, déposé au Parlement en 1905 et adopté livre par livre de 1910 à 1927. Par ailleurs, les règles de la sécurité routière, résultant pour la plupart de décrets, étaient regroupées dans un Code de la route.Entre les deux guerres mondiales, la France a connu une floraison de codes divers par leur nature, leur dimension et leur valeur juridique, sans qu’aucun ne mérite vraiment cette appellation. Certains étaient seulement des textes nouveaux, appelés codes pour leur donner une plus grande solennité et prenant d’ailleurs la forme d’un décret-loi: ce fut le cas, en 1939, du Code de la famille; on trouve, après la Seconde Guerre mondiale, la même formule dans une ordonnance de 1945 portant «code de la nationalité française». D’autres ont été promulgués par décret en vertu de lois d’habilitation ; il y en eut une quinzaine de 1935 à 1940, tels que les Codes du blé et du vin ou celui de la Banque de France. Les premiers codes fiscaux appartiennent à la même catégorie. Ils avaient été prévus dès le début du siècle; l’idée fut reprise dans une loi de finances et une loi temporaire de pleins pouvoirs de 1926, et neuf décrets de codification devaient être pris à la fin de l’année, dont six le 28 décembre. La même opération était menée en 1934, et une loi de 1936 prévoyait l’incorporation dans ces codes, par décret, des lois nouvelles. C’est à cette occasion qu’a été imaginée la formule selon laquelle les dispositions des codes «se substituent» aux lois codifiées, sans pouvoir toutefois les abroger, puisqu’elles n’étaient pas elles-mêmes validées par le Parlement. L’un des derniers exemples, à l’époque, est contenu dans un décret de 1938 qui confie au Conseil d’État la mission d’élaborer un code des collectivités locales; cette habilitation ne semble avoir été suivie d’aucun effet.Le bilan de cette période est donc faible: quelques codes importants (Code rural, Code du travail), et quelques dizaines de textes, parfois tout à fait mineurs, parfois plus intéressants, comme en matière fiscale, comportant la codification de lois par décrets, avec la précarité qui s’attache à cette méthode et la coexistence entre les lois d’origine et les codes qui les reproduisent. Au surplus, dans le même temps, on avait assisté à une véritable «décodification», en ce sens que des lois nouvelles très importantes n’avaient pas été incorporées dans le code correspondant. Le cas le plus net, qui a donné lieu à de nombreux commentaires, est celui du droit commercial: les grandes lois sur les sociétés commerciales et le règlement judiciaire, par exemple, sont demeurées en dehors du Code de commerce de 1807, de sorte que celui-ci avait perdu environ les trois quarts de son volume initial et ne traitait plus que de questions relativement mineures.L’idée de codification n’avait pourtant pas disparu, comme en témoignait le fréquent usage des termes dans les textes de l’entre-deux-guerres, même s’il était souvent maladroit et peu rigoureux.La codification systématiqueLa renaissance vient après la guerre. Curieusement, elle trouve son origine plus dans les milieux administratifs et professionnels que dans la doctrine juridique. Avec le développement des interventions économiques et sociales de l’État naît le besoin de disposer d’instruments commodes dans lesquels les intéressés trouveraient l’ensemble des textes concernant une activité ou même un produit. La codification apparaît ainsi comme une politique de rationalisation pratique du droit, liée aux idées d’organisation scientifique du travail et de productivité. Il est intéressant de constater que la notion de «codification permanente» a été formulée, à la fin de 1938, au cours de «journées d’études des administrations publiques» tenues par le Centre national de l’organisation française, sous le patronage du gouvernement.Ces idées ont été reprises au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par le Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics, créé en 1946 auprès du chef du gouvernement. Cet organisme a proposé, dans ses rapports de 1947 et 1948, d’effectuer la codification générale et permanente des lois, règlements et circulaires, et de créer à cette fin des comités de codification dans chaque ministère. Ce programme n’a pas été réalisé sous cette forme ambitieuse. Mais le gouvernement a décidé, en 1948, de procéder à la codification des lois par décret, sans modifications autres que de pure forme et sans recours immédiat et systématique à la validation parlementaire. Ainsi est née ce que l’on a appelé couramment la «codification administrative», parfois avec une nuance péjorative.Pour assurer cette tâche, un décret du 10 mai 1948 créa la Commission chargée d’étudier la codification et la simplification des textes législatifs et réglementaires. Placée auprès du président du Conseil et présidée formellement par un secrétaire d’État puis par un ministre délégué, elle avait à l’origine deux vice-présidents, le premier président de la Cour des comptes et le président de la section de l’Intérieur du Conseil d’État. Par la suite, celui-ci devint l’unique vice-président et, de ce fait, le véritable responsable de la commission, composée de cinq parlementaires, de fonctionnaires, de magistrats et de représentants des autorités locales. Un rôle majeur fut tenu par son premier rapporteur général, Gabriel Ardant, qui a exercé cette fonction pendant seize ans, jusqu’en 1964; il a préparé notamment une instruction générale sur la codification, datée de 1949, et signé, en 1952, au nom de la commission, un important rapport publié au Journal officiel .Ce dernier document énumère les motifs et les principes de la codification. Il lui assigne trois objectifs principaux: améliorer le rendement des services publics; retrouver le respect de la loi et du règlement; faciliter les réformes, les simplifications et la cohérence de l’action publique. On retrouve dans ces formules la finalité pratique de réforme administrative qui, plus que l’amélioration de l’ordonnancement normatif, inspirait les codificateurs de l’époque. Quant aux principes, ils sont également au nombre de trois: la codification doit être complète, formelle et permanente. Le rapport se termine par l’énumération d’une cinquantaine de codes en cours et en projet.Si elle n’a pas réalisé intégralement ce programme, la commission a accompli une tâche considérable, de 1948 à 1988. Quantité de codes ont été élaborés; ils comprenaient une partie législative et une ou plusieurs parties réglementaires, établies selon le même plan et promulguées par décret après avoir été examinées par le Conseil d’État. Ces codes sont intervenus dans des domaines variés: économique (assurances, agriculture, aviation civile, postes et télécommunications), social (famille et aide sociale, mutualité, santé publique, Sécurité sociale), administratif (communes, domaine, élections, expropriation, marchés publics, urbanisme, voirie routière). Leur importance et leur intérêt leur sont évidemment très inégaux; on ne peut mettre sur le même plan, par exemple, celui de la Sécurité sociale et celui des monnaies et médailles, ou encore le Code électoral et celui des débits de boissons. Par ailleurs, leur valeur juridique n’est pas identique: certains d’entre eux ont été validés par le législateur, d’autres non. Une loi globale est intervenue, à la fin de la IVe République, le 3 avril 1958, pour quinze d’entre eux; par la suite, des lois particulières ont validé certains autres codes, comme ceux de l’urbanisme (1976), de la Sécurité sociale (1987) ou de la voirie routière (1989). Une dizaine ont conservé un caractère purement réglementaire, à l’exception de celles de leurs dispositions qui ont été ultérieurement modifiées par la loi.Une action aussi importante et difficile ne peut être assurée sans le soutien d’une forte volonté politique, nécessaire à la fois pour inciter les administrations à participer à la préparation des codes et pour donner à l’organisme chargé de coordonner le travail l’autorité et les moyens qui lui sont nécessaires. Cette volonté a parfois faibli, sans jamais totalement disparaître. Elle a resurgi fortement en 1989, lorsque le gouvernement a décidé la relance de la codification .Cette politique s’est inscrite essentiellement dans un décret du 12 septembre 1989, qui institue une Commission supérieure de codification. Cette commission «prend la suite» de la précédente – expression qui marque à la fois la continuité et la novation; elle est «chargée d’œuvrer à la simplification et à la clarification du droit».Pour accroître son autorité, elle est présidée par le Premier ministre lui-même et siège symboliquement à l’hôtel Matignon, où son secrétariat est assuré par le secrétariat général du Gouvernement. Son vice-président, qui assure la présidence de fait, est un président de section au Conseil d’État, en activité ou honoraire; elle comprend des représentants du Conseil d’État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes, des commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, des ministères de la Justice, de la Fonction publique et des Départements et Territoires d’outre-mer comme du secrétariat général du Gouvernement, le directeur des Journaux officiels ainsi que, pour chaque code, des commissions parlementaires et des sections du Conseil d’État compétentes. Elle dispose d’un rapporteur général et d’une dizaine de rapporteurs particuliers, choisis en fait parmi les membres du Conseil d’État et de la Cour des comptes. Elle a reçu les moyens, le secrétariat et les crédits nécessaires à l’accomplissement de sa tâche.La nouvelle commission a commencé par mettre au point, en accord avec le gouvernement, des règles de méthode et un programme de travail, qui sont formulés dans son rapport annuel publié par le Journal officiel .En ce qui concerne la méthode , deux principes ont été retenus. Le premier se situe dans la ligne de la commission précédente: la codification est menée «à droit constant», c’est-à-dire que les codes ne doivent apporter que des modifications ou des adaptations formelles ou mineures aux textes codifiés. Le second marque au contraire un infléchissement: pour éviter les incertitudes et la précarité des codes, leurs parties législatives seront désormais systématiquement soumises à la validation parlementaire. Leurs dispositions auront donc force de loi, de sorte qu’elles se substitueront entièrement aux lois antérieures, qui seront abrogées ; ainsi les codes doivent progressivement, au fur et à mesure de leur promulgation, remplacer les lois et décrets.La conciliation de ces principes ne va pas sans difficultés. En effet, il n’est pas possible de proposer au Parlement de confirmer des textes qui seraient contraires soit à la Constitution, telle qu’elle est interprétée par le Conseil constitutionnel, soit à un traité international ou à un acte de la Communauté européenne, que les lois françaises doivent respecter. En pareille hypothèse, il faut mettre le texte codifié en conformité avec des normes qui lui sont supérieures et apporter ainsi une exception à la règle du droit constant. Par ailleurs, sur un plan politique, il appartient au Parlement d’accepter de voter, sous la forme du code annexé à la loi de validation, des dispositions qui ne conviennent pas à certains de ses membres ou contre lesquelles ils ont voté peu de temps auparavant. La procédure ne peut aboutir, en effet, que si le Parlement accepte l’idée que la reprise du droit existant dans un code nouveau ne constitue qu’une amélioration juridique et n’a pas par elle-même de signification politique; s’il entendait remettre en question le contenu des textes à l’occasion de leur codification, il vaudrait mieux renoncer à la validation législative des codes, pour éviter des discussions interminables et des polémiques inutiles. La réussite de l’entreprise est largement facilitée par la présence active, au sein de la commission, de parlementaires assistés de fonctionnaires de leurs assemblées.Trois autres questions de méthode ont été tranchées par la nouvelle commission.En premier lieu, si une disposition peut avoir sa place dans deux codes, elle figurera à titre principal dans celui auquel elle se réfère le plus et sera reproduite telle quelle dans l’autre, de sorte que toute modification du premier entraînera automatiquement celle du second, comme le précisent les lois de validation; c’est ce que l’on appelle, dans le jargon des codificateurs, la formule du «code ;pilote» et du «code suiveur», dont il convient de ne pas abuser pour ne pas alourdir les codes et compliquer leur gestion.En deuxième lieu, les règlements de plus en plus importants et nombreux provenant des institutions nouvelles que l’on désigne couramment par l’expression d’«autorités administratives indépendantes», telles que la Commission des opérations de Bourse ou le Conseil supérieur de l’audiovisuel, ne peuvent être codifiés par le gouvernement, sous peine de porter atteinte à leur indépendance et de confondre les différents niveaux de réglementation. Mais il serait souhaitable qu’elles codifient elles-mêmes leurs textes, de même d’ailleurs que certains ministères l’ont fait pour leurs arrêtés, en suivant autant que possible le plan du code correspondant.Enfin, le droit européen pose un problème particulier: il est difficilement accessible, et de plus en plus important dans certaines matières, comme le droit rural. Comme ni le Parlement ni le gouvernement français n’ont le pouvoir de codifier des normes communautaires, dont ils n’ont pas la maîtrise, il a été décidé de publier ces normes en annexe aux codes nationaux, à titre purement documentaire, pour la commodité des usagers du droit.Quant au programme , il est arrêté par le gouvernement, sur la base des réflexions de la commission et des propositions des ministères. Chaque projet de code fait l’objet d’une délibération interministérielle, qui en fixe le contenu, les limites et le titre. L’une des questions les plus intéressantes et les plus difficiles qui se posent, soit à l’origine, soit au cours de l’élaboration des codes, est celle de leurs frontières, qui correspondent parfois à de véritables enjeux de pouvoirs entre ministères; par exemple, les valeurs mobilières sont-elles des éléments de la vie des sociétés commerciales (Code de commerce) ou de simples produits financiers (Code de la monnaie, de la banque et des marchés financiers)? Les dispositions relatives à la garantie des vices cachés doivent-elles figurer dans le seul Code civil ou être reproduites aussi dans le Code de la consommation? etc. Il revient à la commission de procéder aux arbitrages nécessaires, sous l’autorité du Premier ministre et sous le contrôle du Conseil d’État et, en dernier ressort, du Parlement.Pragmatique, la commission n’a pas tenté d’établir un plan général de codification, comme la Convention en l’an II ou la précédente commission supérieure en 1952; elle a posé en principe, dès son installation, d’éviter à la fois les «maxicodes», trop lourds et volumineux pour être faciles à manier, et les «minicodes», qui ne grouperaient qu’une ou deux lois relatives à un domaine très limité. Elle a en outre voulu que la division du droit en codes ne fût pas, comme dans la Chine impériale ou le projet de la Convention, alignée sur la structure des ministères: les codes, établis pour les citoyens et les entreprises, doivent dépasser les frontières bureaucratiques, même si leur rédaction exige la mobilisation des administrations compétentes.En quelques années, une quinzaine de codes ont été mis en route et la moitié d’entre eux ont été adoptés. Il s’agit tantôt de la refonte d’un code existant, tantôt de la réalisation d’un code entièrement nouveau. Le Code rural et celui des marchés publics appartiennent à la première catégorie, de même que le Code de commerce; en ce qui concerne ce dernier, il s’agit de reprendre le code napoléonien, en y insérant toutes les grandes lois intervenues depuis lors et demeurées hors code; la «recodification» succède ainsi à la «décodification» qui a duré près de deux siècles. Parmi les codes nouveaux, on peut citer ceux de la propriété intellectuelle – le premier à avoir été adopté par le Parlement (loi du 1er juillet 1992) –, des collectivités territoriales, des juridictions financières, de la communication, de la consommation, ainsi que le Code de la monnaie, de la banque et des marchés financiers.Par elle-même, cette œuvre de codification rend les textes plus accessibles et plus lisibles; elle constitue ainsi une réponse, parmi d’autres, à l’inflation législative et réglementaire, dont elle permet d’atténuer les effets pour les usagers du droit. Au-delà, elle peut faciliter la réforme des textes, en révélant des incohérences, des anachronismes, des excès de réglementation, des complexités inutiles. Elle doit permettre ainsi à la fois la clarification et la simplification du droit.À côté de cette action permanente de codification conduite par la commission supérieure, d’autres opérations sont à mentionner. Il s’agit d’abord de la codification fiscale, dont on peut espérer qu’elle donnera lieu, un jour, à une refonte systématique du Code général des impôts que viennent grossir chaque année les nouvelles dispositions législatives insérées par décret. Il s’agit encore de l’élaboration de normes nouvelles inscrites dans un texte général, en fait de la mise à jour des codes napoléoniens. Si les travaux de la Commission de réforme du Code civil instituée après la guerre n’ont pas abouti et si cette commission a été finalement supprimée, en revanche ont vu le jour un Code de procédure pénale (1957-1958), qui remplace l’ancien Code d’instruction criminelle, un nouveau Code de procédure civile (1975) et un Code pénal (1992). Ce sont des lois ou des décrets préparés par des commissions spéciales siégeant au ministère de la Justice et soumis aux procédures normales d’adoption.Après des périodes de déclin ou d’éclipse, la France mène donc à nouveau une politique active de codification, conforme à son génie juridique et à sa conception de l’état de droit.La codification dans le mondeÀ l’étrangerLa codification s’est développée dans les pays continentaux d’Europe, sous la double influence du droit romain et des codes napoléoniens. Elle constitue un élément de ce qu’on a appelé le «système romano-germanique». Elle s’est répandue d’abord, au début du XIXe siècle, dans des pays proches de la France, tels que la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Italie, une partie de l’Allemagne. Elle s’est également manifestée sous une forme différente dans ce dernier pays, avec en particulier son Code civil, le Bürgerliches Gesetzbuch (B.G.B.), promulgué en 1896 et entré en vigueur le 1er janvier 1900; des pays voisins de l’Allemagne ont également adopté des codes importants, comme l’Autriche ou la Suisse (Code des obligations de 1881).L’influence de ce système juridique s’est répandue au-delà de l’Europe; c’est ainsi que, dans le cadre de la modernisation générale qui a caractérisé l’ère du Meiji (1868), le Japon a commencé par faire traduire les codes français, puis, avec l’aide de juristes étrangers, a préparé des codes nationaux, qui ont été promulgués à la fin du XIXe siècle: le Code pénal et le Code d’instruction criminelle s’inspiraient plutôt du modèle français, le Code civil et le Code de procédure civile du modèle allemand; un Code de commerce fut également adopté à la même époque. Certains de ces codes ont été refondus après la Seconde Guerre mondiale, sous l’influence américaine.Plus récemment, les États francophones d’Afrique ont adopté au total plus d’une centaine de codes, généralement d’inspiration française, mais sans doute parfois inadaptés aux mœurs et aux traditions de ces pays.Dans les pays anglo-saxons, la codification a, au contraire, joué un rôle mineur, et s’est le plus souvent réduite à de simples compilations. C’est évidemment le cas en Grande-Bretagne, où le droit écrit tient une place relativement secondaire, en tout cas en matière civile et commerciale, par rapport à la common law et à l’equity ; il existe seulement un recueil des Laws of England. Le génie juridique anglais est sans doute aussi rebelle à la codification que celui de France lui est favorable. Aux États-Unis, il y eut au XIXe siècle un grand débat entre les tenants de la codification et ceux de la common law. Les premiers étaient conduits par Bentham, un ardent partisan de la codification, qui a d’ailleurs essayé aussi, en vain, d’introduire celle-ci en Russie. Il n’y eut finalement que quelques codes, dans certains États, comme le Code civil de Louisiane (1808), et des compilations officielles ou privées. Les U.S. Codes ne sont en réalité qu’une compilation officielle à l’échelle fédérale.Les pays d’Islam ont adopté au XXe siècle des codes relatifs au statut personnel des musulmans, notamment en ce qui concerne la famille et les successions.Quant aux pays de droit socialiste, leurs attitudes furent différentes en fonction de leurs habitudes juridiques. La Russie, après une tentative au temps de Napoléon, finalement rejetée, n’avait pas de tradition codificatrice; le Svod Zakonov de 1832 n’était qu’un recueil de textes, donnant une présentation systématique du droit russe, sans modifications. À partir de 1922, lors de la nouvelle politique économique, plusieurs codes ont été adoptés (civil, procédure civile, pénal, procédure pénale, famille, agraire). Après la mort de Staline, de 1958 à 1981 ont paru des «principes fondamentaux de la législation», notamment en matière civile, pénale, familiale; c’étaient des sortes de codes fédéraux, qui servaient de cadre aux codes des républiques telles que la Russie. Les pays de l’Europe de l’Est qui s’étaient trouvés sous l’influence autrichienne (Pologne, Tchécoslovaquie, Hongrie, Yougoslavie) ont adopté, de 1955 à 1960, des codes de procédure administrative non contentieuse inspirés de celui de l’Autriche. Tous ces pays reviennent à l’élaboration de codes classiques, à la suite de la chute du communisme et de l’introduction d’une économie de marché; ces codes nouveaux coexistent avec ceux de la période précédente, dans la mesure où les uns et les autres sont compatibles. La Chine, de son côté, avait des codes depuis longtemps. Un Code civil fut adopté en 1929-1931, mais il connut peu de succès car il se heurtait à l’idée confucéenne d’éviter les procès. Après la révolution de 1949, il y eut des tentatives de codification, qui n’eurent pas de suites et qui sont reprises aujourd’hui dans un contexte différent.La codification du droit de l’Église catholique, le droit canonique, se situe, elle aussi, dans la lignée du droit romain. Après les Décrétales de Grégoire IX (1234) fut élaboré en 1500 et édité officiellement en 1582 le Corpus iuris canonici , en écho au Corpus iuris civilis de Justinien. Un nouveau code fut élaboré pendant treize ans, dans le cadre du concile de Vatican I, et promulgué en 1917 sous le titre de Codex iuris canonici : code à la fois civil, pénal, processuel et religieux, il combinait les principes du droit canonique classique et ceux du Code civil français et du B.G.B. allemand. Après vingt ans de préparation, dans le cadre de Vatican II, un nouveau code, en sept livres, a été promulgué en 1983 ; il concerne, comme le précédent, les personnes, les biens et les procès.La codification internationaleL’expression de codification internationale recouvre deux notions. Il s’agit, en premier lieu, de la codification du droit européen . La Communauté européenne produit une profusion de règlements, de directives et de décisions, qui s’accumulent, sont difficiles à consulter et à comprendre et se superposent aux droits nationaux. Les citoyens et les entreprises ont beaucoup de mal à s’y retrouver, de sorte qu’il serait souhaitable de codifier ce droit afin de le clarifier et de le simplifier. En France, ce vœu a été formulé, en 1993, par le Conseil d’État et la Commission supérieure de codification, dans leurs rapports annuels. Ce serait une tâche très difficile, en raison de la complication de ce droit, de son caractère de mélange de différentes conceptions juridiques nationales et de la réticence de certains partenaires à l’égard de l’idée de codification. Mais on peut penser que la nécessité de celle-ci s’imposera, dans l’intérêt même du droit européen.Il s’agit, en second lieu, de la codification du droit international . Celle-ci a été lancée il y a déjà plus d’un siècle, et s’est poursuivie activement. Elle a commencé par les conventions de Genève et de La Haye sur le droit de la guerre et a fait l’objet de conférences à La Haye, entre les deux guerres, sous l’égide de la Société des Nations. La Charte des Nations unies dispose, dans son article 13-1, que l’Assemblée générale doit «encourager le développement progressif du droit international et sa codification». Elle a créé à cette fin, en 1947, une Commission du droit international, puis, en 1966, une Commission du droit commercial international; ont ainsi été élaborées des conventions de codification, reprenant des coutumes existantes ou fixant des règles nouvelles, par exemple en matière de droit de la mer, de relations diplomatiques, de traités ou d’arbitrage. Il est remarquable que les termes de développement et de codification du droit soient associés, dans un domaine essentiel pour l’avenir de l’humanité. Ainsi est reprise à l’échelle planétaire le vieux rêve d’une codification générale et rationnelle du droit.• 1819; de code1 ♦ Action de codifier; résultat de cette action. Codification des lois.2 ♦ Inform. Correspondance entre un élément d'information et une combinaison d'un « langage ». ⇒ codage.3 ♦ Ling. Passage d'une unité, d'un processus, du discours à la langue. Codification d'un mot. ⇒ lexicalisation.codificationn. f. Action de codifier; son résultat.⇒CODIFICATION, subst. fém.A.— Action de réunir des lois éparses en un code; action de rédiger un code; résultat de cette action :• Mais c'est que le Pentateuque, quoiqu'il ait fait office de Code, n'est pourtant pas un code proprement dit. Il n'a pas pour objet de réunir en un système unique et de préciser en vue de la pratique des règles pénales suivies par le peuple hébreu; c'est même si peu une codification que les différentes parties dont il est composé semblent n'avoir pas été rédigées à la même époque. C'est avant tout un résumé des traditions de toute sorte...DURKHEIM, De la Division du travail social, 1893, p. 41.B.— P. ext. Cf. codifier B. Codification de ses violences (BENDA, La Trahison des clercs, 1927, p. 117).Prononc. et Orth. :[
]. Ds Ac. 1878 et 1932. Étymol. et Hist. [1819 (H. de Saint-Simon d'apr. Lar. Lang. fr.)]; 1831 (CHATEAUBRIAND, Études historiques, Pr. XII). Dér. de code; suff. -ification (-ifier, -tion). Fréq. abs. littér. :10.
codification [kɔdifikɑsjɔ̃] n. f.ÉTYM. 1819; de codifier.❖1 Action de codifier; résultat de cette action. || La codification des lois.2 Inform. Correspondance entre un élément d'information et une combinaison d'un « langage ». ⇒ Codage; assignation (sémantique). || Codification (ou code, 5.) binaire.3 Fig. || La codification de la langue. ⇒ Normalisation.
Encyclopédie Universelle. 2012.